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27 novembre 2005 7 27 /11 /novembre /2005 15:46

HISTOIRE DE Rebeyne

AVANT, AVANT, LION LE MELHOR !

 

 

Novembre 1831 : pour le pain !

« Si la capitale politique avait proclamé les Droits de l’Homme. Lyon, berceau du socialisme, proclame les droits du travailleur. Paris avait crié « Vivre libre ou mourir » Lyon cria « Vivre en travaillant ou mourir en combattant » Fernand Rude, C’est nous les Canuts.

L’année 1830 s’est achevée tristement pour les ouvriers lyonnais avec l’échec de la révolte de juillet instrumentalisée par les bourgeois lyonnais pour prendre la direction des affaires du pays et de la ville. Ils n’ont pas trouvé l’amélioration de leur sort, un court instant espérée, dans les plis du drapeau tricolore symbole de la bourgeoisie. Ils ont bien conscience, en revanche, d’avoir été, une fois de plus, les dupes d’une révolution.

Les conditions draconiennes et humiliantes imposées aux chefs d’atelier créent une solidarité nouvelle avec les compagnons. Le mutuellisme (encore une invention sociale lyonnaise ! !), qui a pris un second souffle, depuis le départ de son créateur Pierre Charnier, s’est doté, depuis juin 1828, d’une structure plus réaliste, avec des loges de 20 membres (maximum permettant d’échapper aux contraintes de la législation).

Dès janvier 1831, une certaine agitation se manifeste. Des rassemblements se forment en différents points de la ville pour demander du travail et du pain. Des affiches manuscrites font leur apparition : « Le bandeau tombe enfin de nos yeux, le prestige des couleurs n’a qu’un temps et la liberté sans pain ne nourrit pas nos familles…Mes amis, nous sommes maintenant tous armés, resterons-nous dans nos familles en voyant nos familles mourir de faim ? » En février se place la pittoresque expédition de Savoie : 500 à 600 volontaires du Rhône prennent la route pour participer à un soulèvement annoncé contre le roi de Sardaigne. Ils sont arrêtés à Meximieux, refoulés sur Lyon, les meneurs arrêtés. La fraternité avec le pays savoyard mais aussi la misère sont à l’origine de cette tentative.

En avril-juin 1831, une mission saint-simonienne suscite un intérêt considérable. Une prise de conscience des injustices sociales si flagrantes, des méfaits d’une concurrence exacerbée et de l’oppression des bourgeois trouvent un large écho dans les rangs des travailleurs lyonnais. Le désarroi et la lassitude amènent d’autre part quelques lyonnais à se cramponner au chimérique espoir d’un retour de Napoléon !

La crise sournoise dont on annonçait sans cesse la fin prochaine se prolonge et les fabricants se montrent de plus en plus intraitables dans la fixation des prix de façon. L’ouvrier en soie, voit fondre ses gains et se heurte à l’inflexibilité de quelques fabricants qui jouent sur l’inévitable concurrence de ceux qui quémandent du travail pour manger et survivre ( cette muselière sociale n’a pas changée)

C’est par la diffusion d’un prospectus qui annonce la création d’un journal hebdomadaire, intitulé l’Echo de la Fabrique, que commence les évènements de l’année 1831, en parallèle se crée une « Commission centrale » et « Commission du tarif » chargée d’étudier une proposition tarifaire et de la proposer à une délégation de fabricants.

Les autorités commencent à prendre les choses au sérieux et c’est le général Roguet, commandant de la 19e division militaire qui consulte les prud’hommes pour apprécier l’utilité d’un tarif. Une fois encore, l’armée sert d’instrument de contrôle pour les bourgeois. Les fabricants se dérobent aux revendications des ouvriers lyonnais pour un tarif qui leur permettraient de vivre.

Le 18 octobre, c’est au tour du préfet Bouvier-Dumolard de prendre le relais. Il convoque les membres de la Chambre de commerce, les maires de Lyon, la Croix-Rousse, la Guillotière et Vaise pour connaître leurs avis. Ce même 18 octobre, la commission des chefs d’atelier remet au préfet la synthèse de ses travaux exprimant la volonté des tisseurs d’obtenir une amélioration de leur sort sans devoir recourir à des « voies violentes et illégales ». Toujours rien de concret ne se dégage et les ouvriers, qui commencent jà trouver le temps long, manifestent pacifiquement entre la Croix-Rousse et Jacobins.

Le 25 octobre, les fabricants et les délégués ouvriers se rencontrent, ces derniers exposent leurs revendications avec une clarté et une conviction qui font grande impression. Au dehors, des ouvriers descendus de la Croix-Rousse et en provenance des différents quartiers de la ville et des faubourgs se sont rassemblés au nombre de 5000 ; ils sont massés entre la préfecture et la place Bellecour toutes proche. Ils sont venus, silencieux et dignes, dans un ordre parfait et se sont réunis, disciplinés et attentifs. Finalement, un frémissement de joie parcourt la foule. L’information est venue de la préfecture : un tarif a été déterminé et il sera applicable le 1er novembre.

Les canuts ont obtenu ce fameux tarif qui ne leur garantit certes pas l’abondance, mais au moins une légère amélioration de leurs conditions d’existence. La foule regagne en chantant ses quartiers respectifs, des illuminations, des fêtes, des bals s’improvisent spontanément.

Hélas, les fabricants, dans une large mesure majorité, ne se sentent pas liés par le tarif. La déception est immense dans le monde de la canuserie, les excès de fièvre se multiplient, rassemblements, cris de colère, brève échauffourées. Point d’orgue d’une situation explosive : une revue de la Garde nationale, le dimanche 20 novembre, sur la place Bellecour, en l’honneur de la prise de commandement de son nouveau chef, le général Ordonneau. Depuis quelques jours, le bruit court dans la ville, d’une décision de grève des maîtres-ouvriers et ouvriers le 21. La revue se passe fort mal, les bataillons de la Garde nationale, ceux où dominent les fabricants et les riches bourgeois de la cité et ceux à majorité « canuts » s’observent avec animosité.

Le 21 novembre, dès le lever du jour, une agitation fébrile gagne toute la population de la Croix-Rousse. La plupart des métiers se sont arrêtés spontanément. Des groupes de compagnons visitent les ateliers et coupent les fils chez les opposants à la grève. Les compagnons n’ont rien à perdre, ils n’ont que leurs bras pour vivre.

Des cortèges se forment, se gonflent d’heure en heure, les tambours battent le rappel. Très visiblement, la Garde nationale de la Croix-Rousse n’a pas l’intention de s’opposer aux manifestants. Vers 10heures, un détachement de la Garde nationale lyonnaise se présente à la barrière d’octroi, au sommet de la Grand’Côte. Des quolibets sont échangés, puis des insultes, puis des menaces. Finalement une grêle de pierres s’abat sur les gardes lyonnais qui font demi-tour et dévalent précipitamment la montée de la Grand’Côte. Des escarmouches se produisent encore en différents points du plateau mais les ouvriers restent maîtres du terrain et dressent hâtivement quelques barricades.

Les émeutiers décident de former un cortège pour défiler dans Lyon, ils sont armés de façon hétéroclite avec plus de gourdins et de pelles que de fusils. Ils brandissent un drapeau noir sur lequel certains contemporains affirment avoir lu la célèbre devise « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ». Au bas de la Grand’Côte, ils se heurtent à un peloton de la première légion de la garde lyonnaise. Des coups de feu éclatent, des hommes tombent. Trois ouvriers sont tués, plusieurs autres blessés. Les manifestants ripostent à l’aide de quelques armes et remontent précipitamment sur le plateau. Une grande partie des gardes nationaux passent à l’émeute, les autres sont désarmés sans opposer de résistance, les barricades se multiplient.

Le général Roguet décide de prendre les choses en main et s’efforce de cerner les révoltés en attaquant plusieurs barricades solidement défendues, le préfet est retenu en otage avec le général Ordonneau. Ils seront néanmoins relâchés dans la soirée.

Plus d’un millier d’hommes accourus des garnisons avoisinantes, consolide le dispositif de répression. Cependant, à la Croix-Rousse, trois à quatre cents hommes, pour la plupart armés, sont arrivés en renfort. Ce sont des ouvriers de différents corps de métier, en provenance de la Guillotière et des Brotteaux, qui ont marché toute la nuit pour se joindre à leurs frères de la soierie et lutter à leurs côtés. D’autres ouvriers arrivent aussi, par petits groupes, des localités voisines.

Ce renfort spontané marque le sommet de la révolte des canuts et lui confère la plénitude de son expression historique, son caractère identitaire. La grande solidarité des lyonnais constitue la première et éblouissante illustration d’un long combat pour la dignité et la justice. Tandis que la volonté de vaincre se raffermit chez les ouvriers, le découragement et la peur gagnent peu à peu le camp adverse.

Vers 5 heures du matin en ce mardi 22 novembre, les hostilités reprennent. Les ouvriers ont fortifié leurs positions et ils résistent victorieusement aux assauts des lignards. Solidement installés derrière leurs barricades, embusqués aux fenêtres des hautes maisons des pentes, ils infligent des pertes terribles à leurs adversaires dont le moral fléchit d’heure en heure. Dans la matinée, de nouveaux foyers d’insurrection se créent en différents points de Lyon. Les ouvriers de Saint-Just désarment le poste de la barrière, contrôlent le télégraphe optique qui, en raison du brouillard persistant, avait fort mal fonctionné les jours précédents, privant ainsi le gouvernement d’informations précises en provenance de Lyon. A partir de midi, les ponts du Rhône et de la Saône tombent sous la pression des insurgés. Le sud de la ville, mal défendu est infiltré, des barricades jalonnent la formidable poussée, des magasins d’armurerie sont pillés. L’étau se resserre autour de l’hôtel de ville. A minuit, le général Roguet décide de « quitter la position de l’hôtel de ville pour en occuper une plus avantageuse en dehors des murs ».

La retraite s’effectue à partir de 2 heures du matin, par le quai Saint-Clair, en direction du fort de Montessuy. Les insurgés sonnent le tocsin pour donner l’alerte et tirent par les fenêtres dominant le quai. Ce qui reste des troupes en retraite va trouver refuge au fort de Montessuy, puis en se dispersant, sur Rillieux et Cailloux-sur-Fontaine.

Les insurgés s’emparent de l’hôtel de ville vide, et mettent en place un « Etat Major provisoire ». Une police est hâtivement constituée et des détachements d’ouvriers se portent en différents points de la ville pour faire régner l’ordre, le respect des personnes et des biens. Un manifeste incendiaire signé par quelques volontaires du Rhône qui ont joué un rôle actif dans l’insurrection est lu et affiché dans certains quartiers. C’est un véritable appel à la déchéance des autorités constituées, tant au plan local que national, et à leur remplacement par des délégués élus par le peuple provincial, dans une tendance fédéraliste.

Dans la nuit du mercredi 23 novembre au jeudi 24 novembre, le préfet accompagné de l’adjoint Boisset, fait le tour des différents postes de la ville pour flatter les ouvriers et tenter de leur faire reconnaître l’autorité légitime. L’effervescence règne toujours néanmoins dans les rangs des ouvriers, d’autant plus que des bruits circulent quant à une éventuelle offensive du général Roguet dont les effectifs ont été considérablement renforcés. Visiblement les Canuts sont embarrassés de leur victoire et ils sont désemparés car ils ne peuvent s’appuyer sur une organisation susceptible de faire face à la situation et de canaliser leur sursaut de colère dans un sens concret.

A Paris, la chambre des députés vote une adresse au roi pour lui demander la plus extrême sévérité : « La sûreté des personnes a été violemment attaquée, la propriété a été menacée dans son principe, la liberté de l’industrie a été menacée de destruction »

Le roi délègue son fils, le duc d’Orléans et le ministre de la guerre, le maréchal Soult pour se mettre à la tête des troupes de répression. Les consignes sont précises : toute corporation d’ouvriers doit être dissoute, le désarmement doit être opéré, le tarif doit être annulé. A Lyon, les autorités reprennent confiance et n’ont qu’un seul objectif : gagner du temps, tenir les ouvriers jusqu’à l’arrivée des troupes.

La répression se prépare. Le 1er décembre, en début d’après-midi, le général de Castellane, à la tête de 800 fantassins et de 500 cavaliers, entre dans le fourbourg Saint-Just. Le 3 décembre, le duc d’Orléans et Soult font leur entrée dans la ville, à la tête d’un état-major d’apparat et d’une imposante armée. Près de 30 000 hommes occupent une agglomération de 180 000 habitants (1 fantassin pour 6 Lyonnais ! !). Ce quadrillage massif permet à Soult, quelques jours après, d’annoncer la nullité du tarif établi le 31 octobre 1831 et l’annulation de tous les livrets des ouvriers. Le gouvernement ne laisse pas passer l’occasion d’une répression féroce… .

Aujourd’hui comme hier, les Lyonnais doivent retrouver cette solidarité et cette fierté qui leurs ont permis de devenir maître de leurs destins. L’identité lyonnaise doit être ce flambeau qui éclaire notre lutte pour le respect de nos vies et de notre histoire, face au mondialisme qui veut faire de nous des marchandises malléables et serviles, le cri de nos ancêtres canuts est d’actualité « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ». Face à nous, toujours les mêmes adversaires qu’hier, les gouvernements corrompus aux ordres des puissances financières, mais le plus dangereux reste en nous : l’esprit bourgeois.

« Nous défions qu’on nous montre quelque part un peuple affamé, méprisé, méconnu, devenant tout d’un coup, comme par miracle, maître d’une ville telle que Lyon, et la respectant. Un tel événement est peut-être le signe du plus haut degré de civilisation et de moralité auquel soit jamais parvenu un peuple » Armand Carrel

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