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27 octobre 2008 1 27 /10 /octobre /2008 15:46

L'un des plus influents théologiens musulmans au monde, Youssef Al Qaradaoui, en est persuadé : la crise financière actuelle prouve toute la pertinence de la finance islamique. "L'effondrement du système capitaliste fondé sur l'usure et sur le papier et non sur l'échange de marchandises démontre que la philosophie économique islamique se tient", a déclaré, le 12 octobre à Doha, celui qui fut dans les années 1970 l'un des premiers promoteurs de la finance islamique.

La réalité est plus nuancée, même si, avec son éthique particulière, la finance fondée sur la loi islamique pourrait échapper en partie aux dérives observées ces derniers temps. Ainsi que le rappellent les spécialistes, elle est théoriquement adossée à l'économie réelle, selon le principe suivant : on ne vend que ce que l'on possède. Les ventes à découvert sont interdites, de même que la spéculation ou les opérations incertaines ; pertes et profits sont partagés entre les acteurs, l'usure est prohibée et l'argent ne peut être investi dans les secteurs liés à l'alcool, au porc, à la pornographie.

En vertu de ces principes, les banques islamiques n'ont théoriquement pas misé sur les subprimes, ces crédits hypothécaires à risque à l'origine de la crise actuelle. "Mais, nuance Ibrahim Zeyyad Cekici, enseignant-chercheur à l'Ecole de management de Strasbourg, qui lance en janvier la première formation universitaire française consacrée à la finance islamique, ces crédits hypothécaires risqués ont été titrisés, souvent revendus sous forme de produits dérivés sur les marchés financiers, et on ne sait pas encore avec exactitude qui a investi. Il faut attendre la publication des résultats financiers pour connaître précisément les conséquences de cette crise sur la finance islamique."

"Ce secteur, qui pèse jusqu'à 1 000 milliards de dollars (765 milliards d'euros), constitue une goutte d'eau dans l'économie mondiale, et ses acteurs évoluent dans un monde interconnecté", précise Mohammed Boulif, consultant en finance islamique, basé à Bruxelles. Il souligne que les banques islamiques des pays du Golfe ont investi l'argent du pétrole dans des actifs immobiliers ou des compagnies occidentales, qui sont à leur tour touchés par la crise.

CROISSANCE DE 10 % À 15 % PAR AN

Portée par une forte demande, la finance islamique connaît une croissance de 10 % à 15 % par an, et l'offre de ses produits financiers se développe à un rythme soutenu. Un emballement jugé trop rapide par certains experts. "En voulant aller trop vite, la finance islamique a tendance à créer des produits "islamiques" imitant en fait les produits conventionnels", note M. Boulif.

Des théologiens s'en sont émus, estimant récemment que "la majorité des sukuk (certificats islamiques) n'étaient pas conformes à la loi islamique". "Le sharia board (comité de surveillance) de l'AAOIFI (Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions) a redéfini des conditions plus rigoureuses de la légalité islamique de ces sukuks", rappelle M. Cekici.

Malgré ces limites, la finance islamique, réputée plus éthique, plus solidaire et plus écologique, pourrait profiter de "la crise de confiance des particuliers et des investisseurs dans le système financier conventionnel", juge Jean-Paul Laramée, directeur général de Secure France, spécialiste du sujet.

Son succès auprès des minorités musulmanes des pays européens s'inscrit en outre dans un contexte d'affichage identitaire revendiqué, au même titre que la consommation de produits hallal. En France, colloques et formations sur la finance islamique se multiplient. Et, en mai, un rapport du Sénat l'a reconnue comme un enjeu de développement des années à venir.

Le Monde

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