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8 juin 2009 1 08 /06 /juin /2009 14:44
L'installation de l'artiste Bruce Nauman au pavillon américain.

REUTERS/Tony Gentile

L'installation de l'artiste Bruce Nauman au pavillon américain.

 

 

La 53e édition de la Biennale de Venise n'est pas à la hauteur de ses promesses. Le parcours se révèle décevant et donne une impression de confusion et de déjà vu. Reportage.

On espérait des étincelles, des utopies, des révélations.  Mais est-ce l'effet de la morosité ambiante ou, plus prosaïquement d'un manque de moyens financiers ? la Biennale de Venise s'est  montrée, pour sa 53e édition, bien ennuyeuse. Parmi la centaine de manifestations dévolues à l'art contemporain, elle est pourtant la plus prestigieuse, continuant, malgré son âge respectable, à décrypter l'air du temps, révéler les talents, faire et défaire les réputations. Cette année, plus encore peut-être que d'habitude,  elle s'annonçait pourtant prometteuse car, en dépit de la crise et des krachs, elle affichait une bonne santé, avec toujours davantage d'espaces et un nombre record de participations nationales : 77, quatre de plus qu'en 2007...

L'exposition internationale, menée par Daniel Birnbaum, 46 ans, philosophe et critique d'art suédois - le plus jeune directeur de l'histoire de la Biennale - interpellait par son intitulé : " Construire des mondes ". Un thème porteur d'espoir par ces temps d'interrogation. Les pavillons nationaux, dont certains alignaient des têtes d'affiche, aiguisaient tout autant la curiosité. Que peuvent bien nous dire ces stars, le Britannique Steve McQueen,   l'Américain Bruce Nauman, le Canadien Mark Lewis, sur l'état de notre planète ?

Un parcours ennuyeux

Des Giardini à l'Arsenal, le parcours s'est avéré décevant, en donnant une impression de confusion et de déjà vu. Trop d'installations fourre-tout rivalisant de gigantisme, trop de vidéos construites sur des formules identiques : des images grand format projetées selon des rythmes différents, et obéissant aux mêmes effets de ralentis et de gros plans.

L'enfilade des salles de l'Arsenal, qu'occupent les 90 artistes choisis par Daniel Birnbaum, originaires des îles Samoa, du Bénin  ou de Chine, est apparu particulièrement fastidieux. Les oeuvres se succèdent sans logique ni parti pris. Impossible de saisir l'intention du commissaire, si ce n'est sa volonté d'abolir les frontières géographiques de l'art , trop « euro-centré » à son goût.

Du côté des pavillons, on a semblé oublier que la vocation de la Biennale ne consiste pas seulement à mettre en compétition des scènes artistiques nationales et encore moins à épouser les lois du marché, mais surtout à révéler l'actualité. Star parmi les stars, le conceptuel Bruce Nauman, dont la prestation était particulièrement attendue, s'est contenté d'exposer des vidéos, installations, sculptures et néons, datant de ces trente dernières années, pour réaliser un assemblage morbide, au final peu enthousiasmant.

De même pour Miquel Barcelo, artiste le plus important de la péninsule ibérique. Il a réuni dans le pavillon espagnol, ses tableaux telluriques, sous  forme d' une mini rétrospective, comme s'il s'agissait d'un accrochage de galerie. 



Les oeuvres de l'Espagnol Miquel Barcelo au pavillon espagnol. Découvrez les oeuvres des pavillons de la Biennale de Venise.

AFP

 

Les oeuvres de l'Espagnol Miquel Barcelo au pavillon espagnol. Découvrez les oeuvres des pavillons de la Biennale de Venise.

Le vidéaste Steve Mc Queen a joué le jeu, en créant un film intitulé « Giardini ». L'idée, simple, est excellente : que se passe-t-il dans ces fameux Giardiani, une fois désertés par la Biennale ? Mais le traitement, trop insistant, trop redondant, trop prétentieux, ne convainc pas. Les Italiens ont choisi la méthode forte, en  convoquant une quinzaine de plasticiens, qui, par des installations clinquantes et des tableaux tapageurs, semblent saluer le style  bling bling cher à l'ère berlusconienne.

Quant aux Emirats Arabes Unis, ils ont profité de leur première participation à la Biennale pour exposer les maquettes des mirifiques projets architecturaux de Dubaï et d'Abou Dhabi, confondant leur présence avec une opération de relations publiques... 

Faut-il donc fuir la Biennale de Venise?

On peut quand même y faire des rencontres intéressantes.  Quelques pavillons retiennent l'attention, par les problématiques qu'ils développent. Le français, transformé en scène révolutionnaire, soulève la question de la désillusion de notre époque. Le russe, dans lequel coulent sang et pétrole, met en lumière de façon spectaculaire, les conflits internationaux du moment. Quant au pavillon polonais, il s'interroge, dans un jeu d'ombres chinoises, sur le statut des  immigrés.

Dans l'Arsenal, des oeuvres frappent aussi. Comme  l'installation de la Brésilienne Lygia Pape, décédée en 2004, faite d'immatériels fils d'or tendus dans la pénombre, d'une extrême sensibilité. Les étranges mandalas du Tibétain Gonkar Gyatso, constitués de centaines de stickers, de minuscules photos et de coupures de journaux, jouent double jeu, cachant sous leur aspect  décoratif, des messages d'ordre politique. Et le village imaginaire constitué par le Camerounais Pascale Marthine Tayou, éclate par sa vitalité. Les cases sur pilotis, les fétiches grimaçants, associés à des vidéos, parlent, simplement, du quotidien. Comme on l'a trop oublié dans cette Biennale, l'art peut aussi être affaire d'engagement et d'émotion.

 

Biennale de Venise. Jusqu'au 22 novembre.
www.labiennale.org
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